Suite

NOËL

 

JOUR  DE  NOËL

Homélie du Père Abbé; Vendredi 25 décembre 2020

 « Aujourd’hui vous est né un sauveur ».

    Chers Frères et Sœurs, telle a été la bonne nouvelle entendue dans la nuit de Bethléem. Qui est ce sauveur ? C’est un enfant couché dans une mangeoire. Marie, sa Mère, l’appelle Jésus.

 Ce titre de sauveur nous interpelle fortement. L’histoire nous dit que tous les anciens peuples avaient leur religion et leurs divinités. Mais ici, ce sauveur a une autre origine que l’imagination ancestrale. Il vient de Dieu. Sa Mère le sait bien. Il a consacré sa virginité. Elle lui a consacré sa virginité. Elle seule, dans la création, est devenue Mère de Dieu. Cette affirmation franchit tous les seuils de l’imaginable.

 Au fond, mis devant ce nouveau-né, nous aimons avoir des explications. Notre foi est en jeu. Elle ne repose ni sur des mythes, ni sur des théories sophistiquées. C’est ainsi que l’évangile de saint Jean donne des explications. Nous sommes-là en pleine révélation, c’est-à-dire au plan de ce que Dieu nous dit et que nous ne pouvons pas tirer de nos approches rationnelles.

 Donc, selon Jean dans son Prologue lu à l’instant, ce sauveur vient de Dieu, il est le Fils de Dieu, il est Dieu. Comme je viens de le dire, cette certitude franchit un seuil inédit. L’enfant dans la mangeoire est Dieu. Dans son être humain, il est l’expression parfaite de Dieu son Père. C’est pour cela qu’on le nomme Verbe, c’est-à-dire Parole : il dit le Père.

 En quoi est-il sauveur ? Parce qu’il nous libère de la pandémie ? Pas directement. Comprenons bien. S’il est Dieu qui vient à nous, qui vient pour tout homme et même pour la création, c’est que le drame spirituel que nous vivons, c’est d’être séparés de Dieu. Le seul vrai péril pour les humains, créés par Dieu, c’est de n’être pas avec Dieu et pire, c’est de refuser Dieu. Nous sommes-là en pleine contradiction. Dieu nous a créés et nous nous séparons de lui.

D’où vient-elle cette situation ? Elle vient de notre liberté. Cette magnifique capacité par laquelle nous sommes à l’image de Dieu, nous pouvons mal la gérer. La prétention aussi ancienne que l’humanité, c’est de, comme on dit, prendre sa liberté. On pense pouvoir faire ce que l’on veut, sans vraiment mesurer si cela est profitable. La liberté nous est donnée pour nous déterminer à faire les bons choix. Rappelons-nous : plus on fait le bien, plus on devient libre (CEC 1733).

 Nous avons donc grand besoin d’un sauveur. Sa venue permet que nous ne soyons plus séparés de Dieu. Sa proximité extraordinaire n’attend que notre disponibilité et notre acceptation. Il sauve notre liberté, redevenue capable d’aimer et d’être aimé. Mais hélas, l’évangile le dit : en venant, le Christ a rencontré chez certains le refus : « Le monde ne l’a pas reconnu… les siens ne l’ont pas reçu ».

 Cependant, à chaque Noël, nous voyons que Jésus ne se lasse pas de venir nous rejoindre. Lui, qui est dans le sein du Père, connait la joie d’être son Fils bien-aimé. Il ne peut supporter que nous soyons séparés, et du Père et de lui. C’est son tourment. Il est prêt à tout pour nous unir à Dieu. Seul, il mesure le drame inouï que constitue la séparation de Dieu.

D’ailleurs, la pandémie occasionne de douloureuses séparations. On ne peut que péniblement se revoir, se réunir, se rencontrer. Elle est peu de chose, osons le dire, en comparaison de tout ce qui peut nous séparer de Dieu. Le péché nous sépare de Dieu et les uns des autres. Il nous faut donc un sauveur. La 2e lecture l’a dit : « Il a accompli la purification des péchés » en nous réconciliant avec Dieu.

« Aujourd’hui un sauveur nous est né ». Parce que nous croyons en lui, parce que nous le recevons, nous devons enfants de Dieu. Nous ne sommes plus séparés de Dieu. Nous sommes sauvés.

NUIT  DE  NOËL

Homélie du Père Abbé; 24 décembre 2020

 « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière… » (Is 9, 1).

 Dans la conjoncture actuelle, qui ne serait pas amené à appliquer cette expression de la marche dans les ténèbres, au malheur de notre temps ? En effet, cette pandémie ressemble bien à une ombre étendue sur notre terre. On a même l’impression que dans ces ténèbres personne ne sait pas vraiment où on en est. Alors, le monde sait-il où il va ? Et même où il devrait aller ? Quelles ténèbres !

Cependant, n’en restons pas à cette interprétation. Quant à lui, le contexte des paroles d’Isaïe était celui d’une impasse politique. La partie nord du royaume israélite éclatait en morceaux sous les coups des Assyriens. C’était comme des ténèbres pour tout le peuple hébreu. Mais, nous venons de le dire, on ne peut pas non plus en rester à ce plan historique. Car, les ténèbres dans la Bible désignent  une autre obscurité, celle qui est en opposition avec la lumière. Cette opposition rejoint le conflit essentiel entre vie et mort. Dès lors, l’obscurité est spirituelle et même, elle est celle du cœur humain. Quand l’adversité l’agresse, quand le péché le dégrade ou quand l’espoir l’abandonne, le cœur se sent envahit par une étrange nuit.

 Dans cette perspective spirituelle, on comprend toute la force de cet oracle d’Isaïe. Il illumine, c’est le cas de le dire, cette nuit de Noël. Car, cette grande lumière qui se lève désigne l’enfant qui vient de naître. Il est roi dès sa naissance. Il reçoit des noms sous la forme de titres divins : Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-paix. Il occu-pera le trône de David. Nous savons que si le Christ n’était pas Dieu dès sa conception, il ne le serait jamais devenu. Cette prophétie messianique est tellement forte que nous nous croyons déjà en plein évangile.

 Vraiment, cette grande lumière annoncée, c’est Jésus. Oui, il est là ! Le peuple dans la nuit, c’est nous, c’est le monde, c’est notre cœur. Mais Dieu veut apporter une lumière dans notre situation désastreuse. Il n’est jamais surpris, devancé ou dépassé par le mal.

Qu’elle est-elle cette lumière ? Un enfant. Cet enfant est venu pour nous, selon saint Paul, dans la 2e  lecture. L’évangile nous apprend qu’il est le Sauveur. Il est le Sauveur parce qu’il est la lumière de la vie contre les ténèbres de la mort et du péché.

Chers Frères et Sœurs, les textes de cette messe attestent que le Christ est la grande lumière pour l’humanité. Il l’est depuis sa naissance. Il l’est particulièrement pour maintenant.

Cela se passe un peu comme pour les bergers. Selon l’évangile, ils passaient la nuit dans les champs. De nouveau, les ténèbres. La lumière de l’ange du Sei-gneur, rejoint la grande lumière pour le peuple qui marchait dans les ténèbres.

 Que pouvons comprendre en tout cela ? C’est que l’humanité marche dans la nuit, depuis le début, depuis le péché originel. Notre cœur lui aussi connaît la nuit du péché. Car, la volonté de s’émanciper de Dieu et de ne pas dépendre de lui, a plongé la créature dans l’obscurité du non sens. Jésus, lumière qui se lève, suscite l’espérance. Il n’y a d’espérance que dans le cœur des chrétiens qui croient en Jésus, lumière et vie. Cette espérance, c’est vraiment leur responsabilité. Apportons au monde cette grande lumière de l’espérance plus forte que toutes les ténèbres. O lumière bienheureuse, lève-toi sur le monde !

Noël 2014

Noël ou comment accueillir Dieu ?


Chers amis,pour vous souhaiter une année bonne, en ces jours qui suivent Noël, voici une phrase de la Règle de saint Benoît qui pourrait vous éclairer. Il dit : « Recevoir les hôtes, c’est recevoir le Christ. »
Ne voyez pas là une réclame pour notre hôtellerie ! Encore que, pourquoi pas ? L’évocation des hôtes rappelle qu’à Noël, c’est le Fils de Dieu lui-même qui est venu sur terre comme un hôte. 
A ce monde dont il est le maître puisqu’il l’a créé, et que nous estimons être nôtre, puisqu’il nous l’a donné, il s’est présenté en pauvre qui demande l’hospitalité. C’est donc lui, l’hôte à ne pas manquer, à bien recevoir. Il faut surtout le prier de rester. C’est par la prière personnelle qu’on le retient dans son cœur.
Mais pourquoi a-t-il tenu à être si proche des hommes ? C’est parce que leur détresse l’a touché. Il s’est comporté comme un ami qui se sent appelé par le malheur de son ami, ou comme un père se portant au secours de son enfant malade. On aime ou on n’aime pas. Dieu est amour. Alors il est venu.
Ne voulant pas s’imposer à l’homme qui s’est séparé de lui, il s’en approche doucement. Telle est le sens de la longue histoire rapportée par la Bible. Or, voici qu’un jour, par sa naissance, il a frappé à la porte de l’humanité et à celle de chaque conscience. Qui recevra maintenant cet Hôte ? Vous, nous ! Malgré nos réticences, nous admirons comment il parvient à s’introduire dans notre liberté sans la forcer ; peut-être en nous faisant sentir que sans lui nous ne pouvons pas nous en sortir. Sans lui, reconnaissons-le, l’humanité se dégrade.
Les moines, par toute leur vie consacrée à Dieu, s’efforcent donc d’accueillir le Christ. N’hésitez pas, vous non plus, à lui offrir l’hospitalité dans votre situation. Il a une Parole d’espérance à vous dire pour cette année. La paix qu’elle vous donnera s’étendra autour de vous. Le monde commence déjà invisiblement à être meilleur, n’est-ce pas ! Merci d’y croire !
Dom Michel Jorrot Père Abbé

NUIT  DE  NOËL 2014

 

Homélie du Père Abbé 25 décembre 2014

 

Chers Frères et Sœurs,

 

en cette nuit, une lumière a resplendit. Elle est un signe. Le nouveau- né couché dans la mangeoire est aussi un signe. Jésus enfant dès sa naissance est déjà le sacrement du salut. Nous sommes devant une théophanie, une manifestation de Dieu. Et le signe du nouveau-né nous attire comme il a attiré les bergers.

Comment et pourquoi nous attire-t-il ? Il ne nous attirerait pas s’il nous contraignait. Il agit sur nous par l’admiration, aussi par la curiosité qu’il suscite, et surtout par sa tendresse innée. Celle justement qu’un enfant éveille en tout homme.
Plus nous nous laissons attirer par lui, plus cette attirance devient forte, puissante, décisive, car alors plus on le connaît. Noël contient une telle nouveauté que l’attrait qu’il exerce sur nous dans la foi, nous arrache à nous-mêmes presque sans que l’on s’en aperçoive. 
Par ce phénomène d’attirance, voici donc que dès Noël, c’est tout l’Evangile qui s’annonce. Il ne s’agira pas d’une simple loi extérieure à pratiquer. Cet enfant est déjà l’Evangile vivant. Ainsi, on pourrait dire que, grâce à lui, le sens de l’Evangile naît en nous. C’est l’accueil d’une Personne. 
Les bergers ont été surpris par la lumière de l’ange. Dans leur nuit quotidienne, une lumière nouvelle vient de resplendir. Dieu intervient dans leur vie. Tout change pour eux. Ils ne se sentent plus seuls dans la nuit. Le jour de Dieu s’est levé avant que celui de la terre ne s’éveille. Désormais pour l’âme chrétienne, il n’y a plus de nuit, plus d’obscurité de non sens, plus de place pour le désespoir et le vide, au visage de mort.
O nuit sainte de Noël, tu annonces la nuit de Pâques. Il y a une invasion de Dieu parmi nous. Invasion secrète qu’il ne faut pas chercher à mesurer ni à évaluer en elle-même. C’est une présence de Dieu qui dilate le cœur dans un silence vivant, dans une lumière pure, intérieure.
Ainsi éclairés en cette nuit justement, nous renouvelons notre profession de foi. Chacun, en posant les yeux sur cet enfant de la crèche, peut laisser monter sur ses lèvres l’expression inouïe de Thomas après la résurrection, au comble du saisissement : « Mon Seigneur et mon Dieu. » (Jn 20, 28). Telle est bien l’attrait que la vérité du Christ exerce sur nous. 
Or, nous le savons, la foi illumine la vie et la pensée. Par elle, nous comprenons quel est le premier acte du Prince de la paix, comme le nomme le prophète Isaïe. C’est par sa seule présence que déjà il est le prince de la paix. En effet, on ne fait pas la guerre à un enfant et un enfant ne fait pas la guerre. Mais hélas, quel malheur pour notre époque : on fait la guerre à l’enfant innocent, et on apprend à des enfants à faire la guerre. Comme si l’adulte qui n’a pas respecté la vie de l’innocent, se servait de lui pour cacher son propre crime et rendre l’enfant complice de sa dépravation. Mais Noël doit faire redécouvrir l’enfant comme un signe du don de Dieu. 
L’attrait que nous ressentons à l’égard du Prince de la paix, nous invite avec toute l’humanité à une nouvelle naissance : celle du sens de l’Evangile qui est aussi sens de l’esprit de paix. Par son Fils fait homme, Dieu veut tout recommencer sur la base du droit et de la justice, sur le fondement solide de la vérité et de l’amour, car l’homme n’est pas fait pour autre chose. Il est toujours temps de se mettre au diapason de Noël. Certes, il y a l’esprit de notre temps, mais il y a surtout l’esprit du Christ : l’esprit de Noël. C’est l’esprit de l’attrait pour l’Evangile de la vie, C’est l’esprit de la louange. C’est l’esprit ardent à faire le bien qui rejette le péché et les passions d’ici bas. C’est l’esprit de la paix avec Dieu et entre les hommes. 

JOUR  DE  NOËL 

 Homélie du Père Abbé 25  décembre 2014

Chers Frères et Sœurs,

« Le Verbe s’est fait chair. » Nous venons de réentendre cette parole éternelle comme le mystère qu’elle énonce. Ecoutez bien ces paroles : « Le Verbe s’est fait chair. » Quand nous accueillons ces mots, le Verbe vient en nous, c’est-à-dire que la Personne du Christ et sa pensée nous habitent.

Noël nous parle de la présence étonnante de Dieu dans l’humanité. C’est bien plus qu’une question de proximité. L’antique question de la distance entre Dieu et nous reste théorique. Des philosophes ont conçu l’élévation de Dieu dans sa perfection, dans sa transcendance ? à la manière d’un éloignement, le rendant étranger à l’univers. On peut être étonné d’une pareille logique.

La révélation nous dit en effet diamétralement le contraire. Et la raison reste étonnée devant l’affirmation de la foi : « Le Verbe s’est fait chair. » Ce n’est pas là, la réponse par un hypothétique rapprochement, mais un fait. Était-ce possible, pensable que Dieu soit proche des hommes ? Non, en termes philosophiques ; non, en raisonnant à partir de données abstraites. Mais, la réalité est toute autre.

Dieu s’est fait homme ; l’événement a eu lieu et il est définitif. Dieu n’a pas fait semblant. Et l’homme que l’on a vu, n’essayait pas de faire le Dieu. Cet homme qui marchait, parlait, mangeait, était Dieu en pleine communication humaine avec son entourage. Sa chair, son humanité entière sont signes de sa solidarité avec nous. Le Verbe est l’un de nous. Il est comme nous, sauf le péché. L’un de nous, tout en récapitulant l’humanité en lui.

Dans le Christ, Dieu est entré dans les limites humaines. Dieu se laisse conditionner par ces limites et cependant ces limites n’arrêtent pas son action divine, elles n’y font pas obstacle.

La question demeure : comment le divin peut–il être dans l’humain ? En assumant la réalité humaine. « L’humanité du Christ n’a d’autre sujet que la personne divine du Fils de Dieu qui l’a assumée et faite sienne dès sa conception » (CEC 466). La foi nous permet donc de dire que le divin et l’humain sont unis dans le Christ. Fils de Dieu fait homme, il a ainsi une connaissance intime et immédiate de son Père. (CEC 473).

Loin de penser à une impossibilité dans cette union, il faut y voir une heureuse révélation : le Verbe-homme fait connaître l’amour de Dieu par sa proximité ; il est notre modèle de sainteté, car il est le fondement de la Loi nouvelle de l’amour fraternel ; et, finalement, il nous fait participer à sa vie divine.  

Mais il convient, en ce jour de Noël, de nous rappeler dans quelles conditions le Verbe s’est fait chair. Si tout en se faisant homme au milieu des hommes, s’était présenté en pleine force, comme un surhomme de science fiction, disons : un personnage vivant dans un perpétuel miracle, nous n’aurions pas cru qu’il était Dieu. Mais, si cet homme est vraiment limité, qu’il a besoin de nourriture et de sommeil… alors oui, nous avons les signes, avec les miracles qu’il a opérés et surtout avec sa résurrection, qu’il est Dieu avec nous.

« Le Verbe s’est fait chair. » Il s’est fait homme. On ne peut comprendre le Christ qu’à partir de Dieu. Et désormais, nous ne pouvons plus séparer notre compréhension de l’homme, de notre connaissance de Dieu. Aussi, le Royaume qu’il est venu instaurer parmi les hommes, trouve en lui son unique fondement. Cependant, comme ce Royaume semble peu de chose dans l’histoire ! Le Petit de Bethléem n’est-il pas une quantité infime en comparaison de la multitude humaine. Pourtant, la flamme qui brille en cette nuit ne sera jamais étouffée.

Mais, à toutes les époques et en notre temps, reconnaissons-le, cette flamme semble trop faible. C’est comme si à chaque fête de Noël, le Royaume du Christ ne faisait que commencer, comme s’il ne devait rester que fragile, petit en tout temps. Dans le monde à sauver, Dieu est présent dans la fragilité d’un perpétuel Noël.

Accueillons humblement le Verbe fait chair dans nos propres limites. Il veut y instaurer son Royaume. Ce Royaume qui est la terre natale des enfants et de ceux qui leur ressemblent. Joyeux Noël à vous tous, enfants de Dieu !